lundi 14 avril 2014

Premier jour à KanDO

lundi 14 avril 2014
Aujourd'hui, je célèbre l'anniversaire de nos 3 ans en Nouvelle-Zélande d'une façon particulière : je commence mon premier emploi en temps d'ingénieure dans ce pays sous développé.

Comme certains le savent déjà, j'ai enfin trouvé un emploi dans mon secteur ! J'ai décroché le saint Graal chez KanDO Innovations après avoir spammé leur boite mail de candidatures spontanées. Pour donner une idée, je leur avais envoyée ma première candidature alors que je cherchais encore mon stage à l'étranger en 2ème année d'école.

Bref, alors même que les choses s'améliorait un peu à Define (mon ancienne boite), voilà que le boss de KanDO me proposa un entretien pour un projet qu'ils venaient de décrocher. Admirant ma "ténacité" comme il dit (persistence en anglais), il avait pensé à moi. J'avoue avoir hésité un peu à abandonner Define mais je suis dit que je ne risquais pas grand chose à aller à l'entretien puisque toutes les fois précédentes avaient été un échec. Et puis après les avoir tant harcelé, ça la faisait mal de refuser.

Et voila comment, le jour suivant mon entretien, j'ai reçu une offre d'embauche en bonne et due forme. J'ai encore hésité un moment mais, outre les 8000$ d'augmentation pour mon salaire annuel, un vendredi entier à tester des transmetteurs à Define m'a définitivement convaincue de signer.
Annoncer mon départ à Anna et Anthony a été une toute autre histoire mais j'ai réussi.

Enfin, après un mois de préavis de départ passant à une lenteur qui pourrait servir de démonstration à la théorie de la relativité, me voila libérée de mon poste de technicienne et prête à redevenir ingénieure.

Ce matin donc, après avoir passé la nuit à regarder mon portable pour être sure de ne pas rater mon réveil, j'ai pris mes fonctions à KanDO Innovation en tant qu'ingénieure automaticienne, ou quelque chose comme ça.

8h15: j'ai 15 minutes d'avance. Je me déharnache de mon équipement de moto, enfile des escarpins et une veste de tailleur à la place et monte voir si il y a déjà du monde. Pour info, Niven, un des boss, m'avait dit que les working hours étaient 8h-18h mais à 8h15 il n'y avait que Keith (le co-boss) et Shaun mon futur collègue.
Autre info qui m'a tracassée tout le weekend : le dress code. Niven avait parlé de "smart-casual" ce qui veut dire "correct-décontracté", ce qui ne veut en fait rien dire. Mais visiblement, "smart-casual" c'est jean et polo moche donc pas d'inquiétude de ce côté.

On m'indique un ordinateur dans le petit espace où tout le monde travaille et je m'occupe de me créer une session. Et là, c'est le drame, on m'a installé Windows 8.1. Le PC (outre le fait qu'il est monté dans un boitier datant probablement de Windows 5.1) est flambant neuf et je suis visiblement la seule à avoir l'honneur de tester le nouveau Windows. C'est un bazar sans nom, impossible de lancer un programme ou même de retrouver les programmes ouverts. Heureusement, le tutoriel fourni par Windows n'est pas trop mal fait.

A part ça, juste au dessus de mon nez et accroché à la cloison, se trouve un oppossum empaillé. J'ai commencé par douter des goûts décoratifs de mes collègues jusqu'à ce qu'on m'apprenne qu'ils travaillent aussi sur un projet de piège à possum automatique. Le piège se réamorce tout seul à chaque bestiole décapitée, on n'arrête pas le progrès.
Je vais l'appeler John-John
Pendant que mes collègues arrivent au compte-goutte et plutôt à 9h qu'à 8h, Keith me fait faire le tour de l'atelier et tous ses robots. Tous les projets ont l'air géniaux, avec des robots, des caméras, des automates programmables, des tapis roulants,... le pied ! Ce qui est par contre moins génial c'est qu'on va bientôt déménager dans des locaux plus grands, ce qui veut dire beaucoup d'efforts en perspective. Si j'avais su, j'aurais commencé plus tard.

9h30 : tous mes collègues sont là sauf le principal, celui que je suis censée aider et remplacer pendant son congés paternité qui est prévu avant la fin du mois. Par contre, à côté de moi, il y a Winston qui a entrepris de manger une petite boite d'algues séchées, derrière moi il y a George, et plus tard arrivera un type bizarre à qui j'ai dû tendre la main jusqu'à ce qu'il ne puisse plus l'ignorer et doive me la serrer. Il y a aussi un allemand appelé Gerrit, avec de long cheveux blond genre hippie (pour ceux qui le connaisse, il ressemble comme 2 gouttes d'eau à Kheops).

10h10 : Winston mange maintenant une mandarine. Moi je lis de la documentation sur un des projets dont je devrai m'occuper. J'apprends aussi que Nicholas, mon collègue-futur-papa, est malade.
Pour m'occuper, Shaun me montre un logiciel de programmation d'automate à installer sur mon PC. Et là, c'est le re-drame. Le logiciel utilise le framework .NET 1.1 qui n'est pas supporté par Windows 8 et cie. Ah bah crotte. Que dit l'aide de Windows ? "Contactez l'éditeur du logiciel que vous voulez installer, c'est son problème". Aussitôt dit, aussitôt fait, un coup de fil et Omron, l'éditeur, nous envoie un commercial avec un CD d'installation spécial Windows 8.1. Et là, c'est le drame ! Non je plaisante, là ça marche. Par contre, envoyer un type avec un CD pour chaque plouc utilisant Windows 8, ça ne me parait pas optimal comme stratégie.

11h45 : Le logiciel est installé, je lis des tuto et Winston mange de la pizza qu'il a réchauffée au micro-onde.

12h30 : j'ai faim et tout le monde autour de moi a mangé son truc réchauffé devant son pc sans parler. J'en déduis que la pause déjeuner n'est pas synonyme de convivialité et détente. Moi je n'ai pas prévu de tupperware donc je demande si il y a un café-épicerie-takeaway dans le coin. Oui, il y a un takeaway de l'autre côté de la rue, et d'ailleurs c'est le seul... et pour cause, après avoir vu le truc en question, je pense que même un scout vendant des cookies leur piquerait toute la clientèle.
C'est une échoppe assez glauque proposant les habituels fish-n-chips, burgers et omelettes mais je pense que la viande n'est pas vraiment ce qui est annoncé, ni les oeufs ni les frites non plus. J'opte pour un sandwich triangle poulet-avocat qui n'a pas l'air de contenir trop de blattes et un yaourt dont je vérifie bien la date de péremption et l'étanchéité du couvercle.

Comme j'ai gobé mon repas en 15 minutes et que mes collègues ne semble pas se reposer pendant leur pause déjeuner, je décide de prendre mon temps et aller jusqu'au bout de la rue. A part d'autres bureaux et entrepots, il n'y a absolument rien. J'espère que notre prochaine adresse sera un peu mieux sitée.

13h : je continue à lire de la documentation et bidouiller avec mon nouveau logiciel. Winston ne mange rien pour le moment.

13h30 : Keith me donne les clés de la voiture de la boite et me donne l'adresse d'un vendeur d'épuipement de travail. "Tiens, va là-bas et choisis toi des chaussures de sécurité. Tu leur file ce numéro pour payer". Moi? La voiture du boulot? Maintenant? T'as pas peur? Oui moi, oui la voiture, oui maintenant, et peut-être qu'il a peur mais il ne le montre pas.
Bon en fait, pas maintenant parce que Shaun veut me montrer le robot sur lequel il bosse, comment marche le code et me donner un programme à examiner. Son robot est un bidule articulé de chez ABB (j'ai toujours rêvé de bosser sur un robot ABB) qui est censé déposer un filet de colle sur une surface en silicone puis y poser un morceau de mousse et tenir tout ça ensemble jusqu'à ce que ça tienne. En fait, il en met un peu partout, ça fait des pâtés et le bout de mousse fini tout de travers mais c'est rigolo à regarder.

14h40 : Shaun a fini de me montrer le robot et va faire quelques "ajustements" à son programme. En attendant, je prends enfin la voiture de fonction pour aller m'acheter des chaussures. Dit comme ça, c'est super classe. Le vendeur a environ 3 modèles féminins qui se battent en duel sur une étagère, dont une seule dont il a ma taille. Adjugé vendu, j'ai des chaussures de sécurité qui ressemblent à des petites basket puma. La seule différence : une plaque métallique à l'avant qui me donne un avantage certain en cas de self-défense.

15h30 : Me voila de retour à KanDO sans avoir démoli la voiture, ce qui m'a quand même tenté à plusieurs reprises. J'aurais pu leur dire d'acheter une manuelle à la place de leur épave automatique qui n'avance pas. Pas contre, je ne peux pas certifier ne pas m'être faite flashée par un radar vu que leur tacot, après avoir refusé d'avancer, refuse aussi de rester à 50km/h en ville.

Je range mes chaussures et note au passage que Winston mange une sorte de figolu et une pomme est posée à côté. Je retourne voir Shaun et ses "ajustements". Ca marche beaucoup mieux, il n'y a plus que des petits patés et ça ne dépasse plus trop sur les côtés. La mousse est même collée à peu près droite. On monte montrer ça à Keith. Keith, George et Shaun se mettent alors à parler anglais en vitesse supersonique donc je me contente de me coller les doigts avec la colle pas tout à fait sèche de mon échantillon.
Après leur discussion, ils repartent tous dans une direction différente donc je retourne lire mon tutoriel sur mon PC.

17h : Je commence à regarder l'heure et Winston mange sa pomme. Je capte le regard de Keith au moment où il passe. "Barbara !" (yes ! il va me dire que j'ai bien bossé et que je peux rentrer!) "Tu peux descendre aider Shaun à faire une quinzaine d'échantillons?" (crotte). Je descends donc aider Shaun et nous faisons nos 15 échantillons à vitesse industrielle, ça déménage.

17h27 : je pose mes échantillons près du bureau de Keith qui est parti chez un client et retourne à mon PC en regardant ostensiblement ma monte. "C'est presque l'heure de partir" me fait remarquer Winston. J'en profite pour lui demander les horaires officieux du bureau. "Bah en principe faut bosser 40h par semaine, donc je fais 8h30-17h30 avec 30 minutes de pause déjeuner". 1/ ça fait plutôt 42,5 heures par semaine. 2/ t'as plutôt arrivé à 9h qu'à 8h30. M'enfin c'est d'accord, demain ça sera "8h30" - 17h30.

Je me réharnache de mon attirail de motard, passe 15 minutes à chercher comment éteindre Windows 8 et ainsi s'achève ma première journée d'ingénieure.