vendredi 1 novembre 2013

Pouakai track - Mt Taranaki

Vendredi 26 octobre 2013
Ce soir commence le weekend de 3 jours célébrant la fête du travail kiwie. L'an dernier nous avions été à Sydney mais cette année, Colas nous a rejoint chez les kiwis et nous allons passer le weekend tous ensemble. Au programme : une randonnée de 2 jours au pied du Mt Taranaki en suivant le Pouakai track, avec 2 nuits en refuge/tente. Les prévisions météo sont très pessimistes mais nous avons décidé de descendre quand même et improviser si la randonnée choisie s'avérait impossible. Il faut dire qu'elle contient le passage à gué d'une rivière infranchissable en cas de forte pluie.

Comme il y a plus de 5h de route entre Auckland et le Mt Taranaki, nous avons tout préparé et empaqueté avant de partir au travail et nous descendrons directement en sortant du boulot. Nous passerons la nuit dans un camping à mi-chemin, à Te Kuiti, pour pouvoir commencer la randonnée samedi midi. Colas est supposé se trouver vers le centre de l'île et nous rejoindra à Te Kuiti pour qu'on finisse la route ensemble... jusqu'à ce que je reçoive un email vendredi midi : "C'est Colas, je suis chez vous à Auckland, vous repassez par là avant de partir ?".

A 17h, Colas a rejoint Christophe à la sortie de son boulot et je les récupère tous les deux, c'est parti !

Nous avons plus ou moins réservé une "cabine" dans l'unique camping de Te Kuiti. Le propriétaire n'ayant pas l'air d'avoir inventé la poudre, nous sommes soucieux d'arriver avant la fermeture à 21h. Nous avons demandé ce que nous pourrions faire si on arrivait plus tard que cela, le propriétaire a réfléchi longuement avant de répondre "Euuh chais pas".

A 21h03, après un passage express au Mc Donald (unique point de restauration ouvert après 19h en NZ), nous arrivons au camping. Le propriétaire est toujours là, en fait, il vit dans une des caravanes miteuses avec un écriteau "After hour office" sur une des vitres. Il nous demande de payer la cabine mais ajoute qu'il ne prend pas les cartes bleues. "Ah bon c'est ennuyant, on n'a pas de cash, comment on fait ? " "Euuh chais pas." répond-il. "Il y a des distributeurs dans le coin?" "Euuh oui, plus loin sur la rue principale". "Ok, on va retirer et on revient." "Euuh bon d'accord".
Après ce profond intermède, nous nous couchons dans notre super cabine, un préfabriqué tout confort avec un lit double et une lampe.

Samedi 27 octobre
Après une nuit bien fraîche (vous aurez noté l'absence de chauffage dans mon état de lieux), nous petit-déjeunons et repartons sous le regard vide du propriétaire. Au passage, nous avons rencontré une famille de français qui avait trouvé à tout critiquer dans ce pauvre camping. On ne se refait pas.

La route tortille pas mal jusqu'au Taranaki National Park, impossible de voir le fameux volcan avant d'avoir pratiquement le nez dessus. Malgré les prévisions météo pessimistes, il fait grand beau temps et quand nous arrivons enfin en vue de la montagne, seuls quelques petits nuages en cachent le sommet. Vers 11h30, nous sommes enfin au visitor center du pied de la montagne. La météo prévoit de fortes pluies pour la nuit et le lendemain et, éventuellement une amélioration pour le lundi. Autant dire que nous ne sommes toujours pas avancé pour le passage de la rivière. Nous décidons de partir quand même et achetons des tickets pour la nuit au premier refuge. Au visitor center, nous avons aussi appris que le Mt Taranaki (ou Mt Egmont) entre en éruption tous les 300 ans et que la dernière éruption date de 1700...

Le temps de déjeuner et de finir nos sacs, il est midi et demi, on se met en route pour les 4 heures de marche jusqu'au refuge. J'ai bien regardé la carte topographique avant de partir, ça ne va pas être du gâteau. Comme toujours en NZ, dès qu'il s'agit de grimper une montagne, personne n'a voulu s'embarrasser à faire des lacets. C'est donc par des escaliers et des marches que nous montons tout droit sur le flanc.

Après 2km de montée à 20% (j'ai calculé) à souffler, cracher et maudire les rangers, nous voila bien récompensés: le chemin débouche du bush pile en face du sommet. Le ciel s'est complètement dégagé grâce au vent qui souffle en bourrasque, c'est le moment de faire la pause photo. Précisons que Colas s'est fait un plaisir de gâcher toutes les photos de lui en faisant des gestes disgracieux. Il n'y a donc que des photos de lui prise en surprise.




Après cela, le chemin serpente tranquillement le long du flanc du Taranaki, à l'abri d'immenses coulées de lave solidifiées. La marche est tranquille mais nous passons notre temps à enlever et remettre nos blousons et bonnets selon que l'on est à l'abri du vent glacial ou non. De temps à autre, nous nous empiffrons d'abricots secs, de graines en tout genre et de chocolat. C'est ce qu'il y a de bien quand on fait de l'effort, on peut manger tout ce qu'on aime sans mauvaise conscience. Par contre, il faut tout balader sur soi, poids contre gourmandise, c'est un dur dilemme.


Au bout d'un moment, nous finissons par contourner un bon morceau du volcan et nous apercevons enfin le nord de la région et son marécage. La traversée du marécage étant prévue pour le lendemain, cela veut dire que nous sommes bientôt arrivés au refuge. Oh joie! j'ai déjà mal partout.

En fait non, pas du tout, il reste au moins une bonne heure de marche. En chemin, il y a de petits panonceaux éducatifs. L'un d'entre eux parle des escargots de la région, et notamment d'un escargot bleu extrêmement toxique et qui serait à l'origine de la mort de plusieurs vaches du coin, et même d'un éléphant d'un cirque passant par là. Nous n'avons jamais su si il s'agissait du dahu local mais nous avons passé le reste de la randonnée à chercher le fameux escargot sans jamais en trouver. Pourtant ça doit se déplacer moins vite qu'un dahu.

Enfin, comme nous approchons fortement du marécage, le sol a été recouvert d'un chemin en caillebotis pour protéger la végétation. Ca part d'une bonne idée mais les interstices entre les lattes empêchent de planter ses bâtons tranquillement. Les parties en descentes sont aussi recouvertes de caillebotis mais en forme de marches. Des marches, toujours des marches.

Enfin, nous passons un merveilleux panneau annonçant le refuge à 5 minutes. Christophe fait remarquer qu'il reste au moins 3 heures de jour, largement de quoi atteindre le refuge suivant. Un regard meurtrier plus tard, nous voila sur le chemin de la première "hut". Enfin arrivés, nous pouvons nous délester de nos sacs et chaussures, c'est fantastique.

Le refuge est grand, avec une grande salle commune et 3 dortoirs. Le refuge étant déjà bien rempli, il ne reste que des matelas en mezzanine. Nous nous installons dans un dortoir avec une demi-douzaine de jeunes et déroulons les sacs de couchage. Le refuge est tout confort mais les toilettes sont à l'autre bout de la pelouse, et ce sont des "long drop" : des toilettes avec un siège au-dessus d'une grande fosse. J'ai horreur de ces toilettes parce que dans la fosse, il y a le Monstre du Long-Drop. En plus, la fosse n'est pas hermétique et il y a toujours un courant d'air qui vient d'en-dessous, comme le souffle d'un monstre.

Après un pipi terrorisant et un lavage de main à l'eau de fonte des neiges (c'est froid), il est temps de commencer tranquillement à préparer le repas. Au menu : des cacahuètes pour l'apéro, des pâtes avec du concentré de tomate et du parmesan râpé, et du chocolat en dessert. Comme on est super bien équipé, nous avons notre bouteille de gaz et un brûleur ultra-léger acheté en France. Vous savez quoi ? Les orifices de bouteille de butane ne sont pas universels : la valve du brûleur n'est pas compatible avec notre bouteille.

Va-t-on manger des pâtes crues ? Non car de gentils kiwis nous offrent d'utiliser leur brûleur kiwi ! Un quart d'heure plus tard, nous mangeons notre repas bien chaud comme prévu. Par contre, notre dîner de demain est légèrement compromis vu que nous camperons au milieu de rien.

Pendant que nous mangeons, le temps a tourné dehors et il pleut à verse. Nous allumons notre bougie et Colas en profite pour recoudre les boutons de sa chemise qui se défont. Un peu plus tard, un groupe canado-germano-slovaque arrive tout trempé et s'installe à côté de nous. Nous partageons notre morceau de bougie et la conversation s'engage sur la faisabilité du Pouakai circuit par ce temps. Eux aussi ont prévu de faire le chemin mais ils pensent changer de programme. Nous partageons aussi notre carte et discutons des alternatives.

Enfin, nous allons nous coucher. Le couchage en mezzanine est plutôt une bonne idée, il y fait bien plus chaud qu'au sol. Les jeunes qui partagent notre dortoir n'ont pas l'air près de se calmer mais grâce à mes bouchons d'oreilles, je n'entends rien et m'endors tranquillement.

Dimanche 28 octobre
Dehors il pleut toujours à verse, avec des passages de grêle pour varier les plaisir. Autant dire que nous ne sommes pas pressés de partir. Nous empruntons de nouveau un brûleur pour préparer le chocolat chaud et petit-déjeunons de gâteau au chocolat, gingernuts, nutella, beurre de cacahuète et jus d'orange recomposé. Mais même avec tout ça, impossible de se décider quant à la suite du programme. Par ce temps, le franchissement de la rivière est impossible mais il se situe à plus de 7 heures de marche et le temps pourrait s'améliorer entre temps. Nos compagnon de la veille ont décidé de changer de programme, ils feront demi-tour puis prendront un autre chemin pour redescendre.

Le temps de ranger nos affaires, la pluie semble s'arrêter. Nous décidons de nous donner encore un peu de temps en faisant une courte escapade jusqu'à une chute d'eau voisine. Le chemin est complètement inondé et s'est même transformé en ruisseau sur quelques sections. Malgré tous mes efforts, au bout de 10 minutes je sens de l'humidité dans mes chaussures. Au bout de 20 minutes, elles sont bien mouillées. Au bout de 30 minutes, mes pieds font sploch-sploch à chaque pas, et l'eau est froide.

La cascade est très belle et tombe de 31 m depuis le plateau du marécage. Nous n'avions pas emporté nos appareils photos à cause de la pluie mais en voici une photo. Il faut juste imaginer du brouillard et une bruine fine par dessus.

Le retour au refuge est entièrement en montée et même sans mon sac à porter, je suis déjà bien fatiguée en revenant au refuge. Je me vois mal marcher entre 6 et 7 heures de plus jusqu'à un hypothétique espace pour camper. En plus mes chaussettes et mes chaussures sont trempées et glacées et je me suis rendue compte que je n'avais emporté qu'un seul gant. Néanmoins, le Taranaki est loin d'Auckland et j'ai passé toute une semaine à repérer cette randonnée alors ce n'est plus le moment de bouder. Une visite au monstre du long drop et nous prenons la route initialement prévue.

Avec toute la pluie, le chemin en caillebotis du marécage est entièrement sous 5cm d'eau. Comme nous n'avons plus à nous soucier de garder nos pieds au sec, nous pataugeons allègrement. Le seul soucis est de ne pas faire entrer trop d'eau glacée en même temps enfin de baigner dans une eau raisonnablement tiède. Ca ne marche pas très bien mais l'effort nous tient au chaud, même avec un seul gant.
Des caillebotis pour traverser le swamp

Les ninjas du marécage
De l'autre côté du marécage, le chemin repart en montant, toujours par des marches et des escaliers et nous nous retrouvons à nouveau dans le bush. Après 3 heures de marche et 300m de dénivelé, nous atteignons la crête du Pouakai, un petit massif qui fait face au Mt Taranaki. Le second second refuge du chemin est un peu plus loin et comme il est bientôt midi donc nous décidons de nous y arrêter déjeuner. Le vent souffle fort mais le soleil est apparu. Plutôt que d'enlever nos chaussures pour pouvoir rentrer dans le refuge (avec le risque de ne pas vouloir les remettre), nous nous installons sur la terrasse pour pique-niquer : oeufs durs, pain, "pâté", "camembert", fromage et chocolat. Au moins, on ne meurt pas de faim.
La flaque près des chaussures, c'est l'eau des chaussettes de Christophe.

Nous n'avons effectué que la moitié de l'étape du jour alors malgré le froid et le vent, nous quittons notre abri et repartons. J'appréhende particulièrement les deux petits pics indiqués sur la carte. En attendant, le chemin descend doucement au milieu d'un bog (ou tourbière ombrotrophe d'après wikipedia) saturé d'eau avec quelques petits étangs et nous marchons toujours sur les caillebotis que nous commençons à détester.

Enfin nous arrivons au pied du premier pic. Nous redoutions d'interminables volées de marche mais le DOC a trouvé beaucoup plus efficace : des échelles. 120m de dénivelé par des échelles, quoi de meilleur pour un dimanche après-midi ? En plus, le pic est très exposé au vent et, à plusieurs reprises, une bourrasque un peu violente me fait faire un pas un peu trop proche du bord à mon goût.
Des échelles on vous dit !
Au moins les echelles nous font monter vite et nous sommes rapidement au sommet. "How high is Henry Peak?" demande un panonceau éducatif. "Ca dépend de ce qu'il a fumé" répond Colas.
Blague à part Henry Peak est à 1224m et on y a une vue à 360° sur le grand marécage et les pâturages autour. Les nuages ont commencé à se disperser mais le Mt Taranaki est toujours caché. La bonne nouvelle c'est que Henry Peak était censé être le second pic à monter sur le chemin. Nous avons passé Maud Peak sans nous en rendre compte tellement on est fort. Il ne reste plus qu'à tout redescendre jusqu'au passage à gué. Il devrait s'y trouver un abri et nous y camperons ce soir.

Le chemin redescend, toujours avec les insupportables caillebotis qui nous empêche d'utiliser nos bâtons pour s'appuyer. Bientôt nous quittons le bush et entrons dans la forêt primitive néo-zélandaises avec de grands arbres rouges et des milliers de fougères. Dans la forêt, il n'y a plus de caillebotis alors nous pataugeons maintenant dans la boue, toujours en descendant et en s'agrippant aux racines pour garder l'équilibre.
Des petites fougères entre les grandes fougères.
Enfin, après une bonne heure de descente et très mal aux genoux, nous entendons la rivière loin en contrebas. Encore un peu de descente et nous atteignons l'abri du soir. C'est un abri constitué de 3 murs, un toit et 3 bancs en bois pour permettre aux randonneurs de s'y abriter en attendant que le niveau de la rivière descende. Nous y posons nos sacs et descendons encore une f**** échelle pour aller voir la rivière.

Il n'a plus plu (plu-plu) depuis ce matin et le niveau est tout à fait franchissable. Si cela nous importait, nous pourrions même la franchir les pieds secs, ou du moins pas plus mouillés, en passant de rocher en rocher. A droite de la rivière, une grande falaise couverte de mousse forme une grande courbe. En voici une photo panoramique complètement déformée par l'angle de vue. En même temps, c'est dur de faire une photo ronde d'un paysage courbé.

Nous restons un moment puis remontons à l'abri. Nous déroulons nos tapis de sol, et puisqu'il n'y a pas de repas chaud à préparer, nous nous occupons en jouant au Uno en mangeant du fromage et des cacahuètes. Quand la nuit tombe nous jouons encore un moment à la lueur de la bougie puis nous nous couchons en nous préparant à passer une nuit inconfortable. Au moins, la pluie a repris donc il ne devrait pas faire trop froid.

Lundi 29 octobre.
Contrairement à mes suspicions, nous avons survécu à la nuit. La pluie n'a pas duré et il a finalement fait très froid mais le jours se lève et nous sommes toujours vivant.

Après un petit-déjeuner sans chocolat chaud, nous repartons pour le franchissement de la rivière et la dernière partie du Pouakai Circuit. La rivière est finalement bien moins facile à franchir une fois nos sacs sur le dos mais nous y parvenons sans mettre les pieds dans l'eau.
En petit en bas, c'est nous.
La dernière partie n'est pas la plus reposante. Nous avons descendu 500m d'un coup depuis Henry Peak et il nous faut maintenant monter et redescendre dans plusieurs vallées avant de remonter au visitor center. Alors que sommes presque arrivés, nous avons le choix entre rentrer par la route en 45 minutes ou par le chemin en 1h30. A peine avons-nous choisi de faire le chemin jusqu'au bout que nous regrettons amèrement notre décision. Les derniers 200m de dénivelé à monter se font dans la forêt, à coup de marches plus hautes que ma taille. C'est absolument épuisant.

Pour couronner le tout, Colas a eu la riche idée de se cacher derrière un arbre en m'attendant et de me jeter son bâton de marche au moment ou je passais. Le bâton m'a touche pile dans mon genou gauche déjà bien fatigué et fait une grosse bosse. Il semblerait que je manque complètement de sens de l'humour puisque je n'ai pas trouvé ça aussi drôle que Colas.
Enfin bref, fidèle à ma décision de devenir une meilleure personne, j'ai combattu mon envie de le jeter du haut de la falaise et nous avons repris le chemin.

Enfin, en ce midi de lundi de fête du travail, nous arrivons au visitor center ! Le temps de nous changer et nous décocher du registre des randonneurs du parc, et il nous faut déjà reprendre la route. Je reçois alors un étrange texto de ma patronne voulant savoir si j'allais bien. Nous l'ignorions à ce moment mais un jeune couple avait escalader le sommet du volcan et s'était retrouvé coincé par une tempête de neige. Les journaux en avaient parlé sans donner les noms et mes patrons avaient imaginé le pire.

Arrivée !
Encore 5 heures de route jusqu'à Auckland et le weekend s'achève.

Bilan : Un excellent weekend où nous avons été très chanceux pour le temps. La prochaine fois nous emporterons un réchaud à alcool, encore plus léger que le réchaud à gaz et compatible avec n'importe quoi. Je ferai aussi attention à emporter 2 gants, c'est quand même plus pratique.